Foi catholique traditionnelle
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Attitude que l'âme doit conserver au milieu des ténèbres pour être sûrement guidée par la foi

Source: Carmélites de Paris 1893

Attitude que l’âme doit conserver au milieu des ténèbres pour être sûrement guidée par la foi, jusqu’à une éminente contemplation. Cette matière est traitée d’une manière générale dans ce chapitre

J’espère avoir fait comprendre, du moins en partie, que la foi est une nuit obscure pour l’âme, et qu’il y a absolue nécessité pour cette dernière de rester dans l’obscurité, privée de sa lumière naturelle, afin d’être conduite par la foi jusqu’au sommet sublime de l’union. Néanmoins, pour atteindre cet heureux terme, il est à propos de particulariser la nature de cette obscurité qui doit la plonger dans les profondeurs de la foi. J’en parlerai donc dans ce chapitre d’une manière générale, et plus tard, avec le secours d’en haut, j’indiquerai en détail le moyen de se maintenir dans cette voie, sans crainte de s’égarer et d’entraver l’action d’un guide si sûr.

Pour marcher avec sécurité à la lueur du flambeau de la foi, l’âme doit fermer absolument les yeux dans la partie sensitive et inférieure qui l’incline vers les créatures, aussi bien que dans la partie raisonnable et supérieure, dont nous traitons actuellement, et qui a pour objet Dieu et toutes les choses spirituelles.

Avant d’être transformée surnaturellement, il est certain que l’âme a besoin de s’anéantir dans les ténèbres, et de sortir des bornes de sa vie naturelle, sensitive et raisonnable. Surnaturel ne signifie-t-il pas précisément une chose élevée au-dessus du naturel? Comme la transformation et l’union divine ne peuvent s’abaisser jusqu’aux sens, l’âme ne les obtiendra done qu’à la seule condition d’un dénument volontaire et total, du moins quant à l’affection et à la volonté.

Alors, je vous le demande, qui pourra entraver l’action de Dieu dans une âme ainsi dépouillée, abandonnée et anéantie ? Même en jouissant des dons surnaturels, il faut s’en tenir vide, dégagé, et prendre uniquement la foi pour lumière, pour guide et pour appui. Son action étant bien supérieure aux opérations des sens, il ne faut s’attacher à rien de ce que l’on peut entendre, goûter, sentir ou imaginer, tout cela n’étant que des ténèbres propres à nous égarer ou à retarder notre marche.

Jamais l’âme ne parviendra à la science si sublime que nous enseigne la foi, à moins de se rendre comme tout à fait aveugle et de persévérer courageusement dans cette voie ténébreuse. Celui qui n’est pas entièrement aveugle s’abandonne à regret à la conduite de son guide, et dans son incapacité de juger les choses, tout chemin lui paraît bon. Agissant comme s’il y voyait clair, il court risque de s’égarer lui-même et d’égarer son guide sur lequel il a autorité.

De même l’âme qui se fonde sur sa science, ses goûts ou ses sentiments, s’arrête dans le sentier de la montagne, ou s’en détourne; car tous ces moyens, infiniment éloignés de l’être de Dieu, n’ont aucune force pour l’entraîner dans la voie de la perfection. Elle s’égare faute d’un abandon total à la foi, son divin conducteur. Telle est la pensée de saint Paul: Pour s’approcher de Dieu, il faut croire premièrement qu’il y a un Dieu. En d’autres termes : celui qui aspire à s’unir à Dieu ne doit pas tenir compte de ses connaissances, de ses sentiments, ou de son imagination; mais il doit adhérer simplement par la foi à l’Essence divine, les conceptions les plus sublimes de l’intelligence humaine restant à une distance incommensurable des perfectious de Dieu, et de ce que sa pure possession nous révélera un jour.

L’oeil n’a point vu, dit Isaïe, hors vous seul, mon Dieu, ce que vous avez préparé à ceux qui vous aiment. Et saint Paul ajoute: que l’oeil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, et le coeur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment. Donc, si l’âme prétend s’unir parfaitement ici-bas, par la grâce, à Celui à qui elle doit être unie par la gloire, dans cette autre vie, dont le grand Apôtre nous dit que l’oeil de l’homme n’a rien vu, son oreille rien entendu, ni son coeur rien compris ; si donc, dis-je, l’âme veut arriver à cette union, par la grâce et par l’amour parfait, il est clair qu’elle doit se tenir dans l’obscurité relativement aux objets que les yeux perçoivent, que l’oreille entend, que l’imagination invente et dont le coeur s’éprend. Au lieu d’aspirer à cette union élevée, hélas ! combien l’âme s’en détourne, quand elle s’attache à quelque connaissance, à un sentiment, à une imagination, à un jugement, ou enfin à un acte de sa volonté propre, au lieu de tendre uniquement vers le dépouillement absolu d’elle-même.

Nous l’avons vu, le but auquel l’âme aspire surpasse tout ce qu’elle peut connaître et goûter de plus élevé; aussi, pour y atteindre plus sûrement, doit-elle s’appliquer à ne rien savoir. Si l’on veut progresser dans ce chemin, il faut quitter sa voie, autrement dit, aller droit au terme et laisser de côté le moyen pour entrer en Dieu qui n’a ni borne, ni mesure. Parvenue à ce degré, l’âme n’a plus ni mode particulier, ni manière d’agir propre ; je veux dire qu’elle ne s’attache plus à sa manière d’entendre, de goûter, de sentir, et ne peut même pas s’y attacher. Comme celui qui n’ayant rien possède tout excellemment. Ayant eu le courage de franchir, soit pour l’intérieur, soit pour l’extérieur, les bornes étroites de sa nature, elle entre à pleines voiles dans le surnaturel, dont les limites et les formes sont infinies, et renferment surabondamment toute espèce de mode.

Sachez-le, pour arriver à cet état si désirable, il faut sortir complétement de soi, c’est-à-dire abandonner le rien, pour posséder le tout sublime, qui est Dieu. L’âme, se soustrayant ainsi à toute influence spirituelle et temporelle, doit désirer d’un immense désir ce bien qu’elle est impuissante à connaître en cette vie, ou à concevoir dans son coeur.

Qu’elle laisse donc en arrière tous les goûts sensibles, dans l’ordre spirituel comme dans l’ordre matériel, pour aspirer avec ardeur vers le souverain Bien au-dessus de tout sentiment. C’est précisément afin de recevoir plus librement cette divine plénitude, que le coeur doit rejeter toutes les satisfactions de la partie inférieure ou supérieure, satisfactions plus méprisables à ses yeux que le néant même. Nous aurons plus loin l’occasion de développer cette matière.

Plus l’âme prête son attention à ce qu’elle peut entendre, goûter et imaginer, plus elle l’apprécie, et apporte conséquemment de retards à sa marche progressive vers le Bien suprême. Au contraire, moins elle se préoccupe de ce qu’elle peut posséder, plus elle se rapproche du souverain Bien, l’estime et par conséquent y adhère. Au milieu des ténèbres d’une foi obscure et tout à la fois lumineuse, l’âme s’avance ainsi à grands pas vers l’union. Indubitablement, si elle se servait de ses propres lumières, elle serait plus vite éblouie en présence de Dieu, que ne l’est celui dont le regard cherche à contempler en face l’éclatante splendeur du soleil.

Notre divin Sauveur ne nous dit-il pas dans son Évangile: Je suis venu en ce monde pour exercer un jugement, afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient demeurent aveugles. Paroles qui s’appliquent à la lettre à ce chemin spirituel, où l’âme doit se faire aveugle, relativement aux lumières de la nature et du jugement propre, pour être éclairée surnaturellement. Celle qui voudra s’arrêter à ses lumières particulières, se jettera dans des ténèbres d’autant plus profondes, et se détournera de la voie droite de l’union.

Pour éviter toute équivoque, il me semble utile de définir dans le chapitre suivant ce que nous appelons: union de l’âme avec Dieu; ce point une fois bien éclairci donnera beaucoup de jour à ce que nous dirons ensuite. Bien que nous interrompions la suite de notre discours, le moment nous semble venu de traiter ce sujet. Le chapitre suivant sera donc comme une parenthèse, et nous recommencerons ensuite à traiter en particulier du rôle des trois puissances de l’âme, par rapport aux trois vertus théologales, dans cette seconde nuit spirituelle.

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