Foi catholique traditionnelle
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Conduite à tenir pour entrer par la foi dans la nuit des sens

Source: Carmélite de Paris 1893

Conduite à tenir pour entrer par la foi dans la nuit des sens

Il reste à donner maintenant quelques avis sur le moyen de pénétrer dans cette nuit sensitive. Notons bien d’abord que l’âme y entre ordinairement de deux manières, l’une active et l’autre passive. Aidée du secours de la grâce, elle peut faire de son côté, et fait en réalité, des efforts pour entrer dans cette nuit; c’est ce que nous appelons la voie active, dont les avis suivants sont l’expression.

Quant à la voix passive, l’industrie personnelle n’y est pour rien: dans ce cas, l’âme se borne à consentir librement à l’opération de Dieu, qui agit en elle par des grâces plus spéciales; sa disposition doit être celle d’un patient entre les mains de son médecin. Nous en traiterons dans la Nuit obscure, quand nous parlerons des commençants. Dieu aidant, nous aurons beaucoup de conseils à leur donner, vu la multitude des imperfections qu’ils ont coutume de commettre en ce chemin; je ne m’étendrai donc pas davantage en ce moment sur ce sujet.

Nous expliquerons présentement pourquoi on appelle nuit le trajet de l’âme vers l’union, en quoi consiste cette nuit, et quelles sont ses divisions. Toutefois, dans la crainte d’être trop bref et de nuire au progrès des âmes, en ne leur donnant pas immédiatement quelques avis, je leur indiquerai ici un moyen abrégé, qui les initiera à la pratique de cette nuit des passions. Je suivrai la même méthode à la fin de chacune des deux parties de cette nuit, dont je traiterai plus tard avec le secours du Seigneur.

Les avis qui suivent, sur le moyen de vaincre les passions, sont concis et peu nombreux; je ne les en crois cependant pas moins utiles ni moins efficaces. Celui qui voudra véritablement les mettre en pratique n’aura pas besoin d’autre enseignement, car toute la substance de la perfection s’y trouve résumée.

Premièrement : Ayez le soin habituel d’exciter en vous un affectueux désir d’imiter Jésus-Christ en toutes choses; vous conformant à sa vie que vous devez méditer pour pouvoir la reproduire, et vous comporter en toutes circonstances comme lui-même se serait comporté.

Secondement: Pour accomplir parfaitement ce précepte, s’il s’offre à vos sens quelque chose d’agréable qui ne tende pas purement à l’honneur et à la gloire de Dieu, renoncez-y et soyez-en détaché pour l’amour de Jésus-Christ qui, durant sa vie, n’eut jamais d’autre goût, ni d’autre désir que de faire la volonté de son Père, qu’il appelait sa nourriture et son aliment. Par exemple: vous trouvez de la satisfaction à entendre des choses où la gloire de Dieu n’est pas intéressée; rejetez cette satisfaction et mortifiez votre désir d’écouter. Vous avez du plaisir à voir des objets qui ne vous élèvent pas directement vers Dieu; refusez-vous ce plaisir et détournez-en vos regards. Agissez de même pour les conversations, ou tout autre objet; en un mot, usez-en pareillement, autant qu’il est en vous, à l’égard de toutes les opérations des sens, vous efforçant de vous en affranchir : que si vous ne le pouvez pas, il suffit que votre volonté ne prenne aucune part à ces actes, et désavoue les impressions qu’elle en ressent.

Le remède radical à tous les maux spirituels, la source des vrais mérites et des plus sublimes vertus, se trouvent dans la mortification et la pacification des quatre principales passions naturelles : la joie, l’espérance, la crainte et la douleur. De leur concorde, comme de leur apaisement, découlent des biens infinis : c’est pourquoi on doit s’efforcer de priver les sens de toute satisfaction, et de les laisser comme dans le vide et les ténèbres. Grâce à cette précaution, on fera certainement de rapides progrès dans le bien.

Il faut embrasser ces pratiques avec toute l’énergie de son âme, et essayer d’y assujettir sa volonté. En s’y livrant avec affection, par une application intelligente et discrète, on y trouvera en très peu de temps de grandes délices et des consolations ineffables.

Il suffit d’observer fidèlement ces maximes pour entrer dans la nuit des sens; néanmoins, afin de donner à cette doctrine un plus grand développement, nous proposerons un autre genre d’exercice, ayant pour but de mortifier sévèrement la passion de l’honneur, source intarissable d’une foule d’autres passions :

  1. On visera à se mépriser soi-même, et à désirer que les autres vous méprisent.
  2. On parlera à son désavantage, et on souhaitera que les autres fassent de même.
  3. On s’efforcera de concevoir de bas sentiments de soi-même, et on trouvera bon que les autres pensent de la même manière.

En terminant ces avis et règles de conduite, il importe de résumer en plusieurs sentences la doctrine à suivre pour parvenir à la consommation de l’union divine, ou le secret de gravir la montagne symbolique de la perfection, dont l’image est au commencement de ce livre. Ces maximes atteignent, il est vrai, la partie spirituelle et intérieure de l’âme; néanmoins elles s’appliquent aussi très-justement à la partie sensible et extérieure, où naissent des imperfections multiples. Ce double point de vue est indiqué par les deux sentiers placés sur les pentes de la montagne de perfection. Actuellement, on doit les entendre en ce qui regarde les sens ; plus tard, dans la deuxième partie où nous traiterons de la nuit de l’esprit, nous les développerons dans le sens spirituel.

  1. Pour goûter tout, Ne prenez goût à rien.
  2. Pour arriver à savoir tout, Ne désirez rien savoir.
  3. Pour parvenir à posséder tout, Veuillez ne posséder rien.
  4. Pour arriver à être tout, Veuillez n’être rien.
  5. Pour parvenir à ce que vous ne goûtez pas, Allez par ce qui vous déplaît.
  6. Pour acquérir ce que vous ignorez, Allez par où vous ne savez pas.
  7. Pour atteindre ce que vous ne possédez pas, Traversez ce que vous ne possédez pas.
  8. Pour être ce que vous n’êtes pas, Passez par ce que vous n’êtes pas.

MOYEN DE NE PAS ENTRAVER LE TOUT.

  1. Quand vous vous arrêtez en quelque chose, Vous cessez de vous livrer au tout;
  2. Car pour venir du tout au tout, Vous devez vous renoncer du tout au tout.
  3. Et quand vous parviendrez à posséder le tout, Vous devez le posséder sans rien vouloir ;
  4. Car si vous voulez avoir quelque chose en tout, Vous n’avez pas purement votre trésor en Dieu.

Dans ce dépouillement, l’esprit trouve sa tranquillité et son repos. Profondément établi dans le centre de son néant, il ne saurait être opprimé par ce qui vient d’en bas, et ne désirant plus rien, ce qui vient d’en haut ne le fatigue pas; car ses désirs sont la seule cause de ses souffrances.

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