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Comment les appétits obscurcissent l'âme

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Comment les appétits obscurcissent l’âme. – Témoignages et comparaisons de la sainte Écriture à l’appui de cette doctrine

L’âme est aveuglée et plongée dans les ténèbres par suite d’un troisième dommage que lui causent ses passions. De même que les vapeurs obscurcissent l’air et interceptent les rayons du soleil, ou qu’un miroir terni ne peut réfléchir nettement l’image qui lui est présentée ; de même que l’eau troublée par la vase ne saurait reproduire distinctement les traits du visage qui s’y regarde : ainsi l’âme dont l’entendement est captivé par les passions se trouve obscurcie, et ne laisse pas au soleil de la raison naturelle, ni au soleil surnaturel, qui est la Sagesse divine, la liberté de la pénétrer et de l’illuminer de ses splendeurs. Le Prophète royal dit en ce sens : Mes iniquités m’ont enveloppé, et je suis devenu incapable de voir.

Lorsque l’entendement est enseveli dans les ténèbres, la volonté languit, et la mémoire s’engourdit. Or, comme toutes les puissances dépendent dans leurs opérations de cette faculté première, celle-ci étant une fois aveuglée, les autres tombent nécessairement dans le trouble et dans le désordre. David ajoute : Mon âme est grandement troublée. En d’autres termes : ses puissances sont désordonnées.

Dans cet état, l’entendement, comme nous le disions, n’est plus apte à recevoir l’illumination de la Sagesse divine, de même que l’air chargé de vapeurs ténébreuses est incapable de recevoir la lumière du soleil. La volonté est impuissante à étreindre Dieu d’un amour pur, de même que le miroir terni ne peut refléter clairement l’image qui lui est offerte. Enfin la mémoire, obscurcie par les ténèbres de l’appétit déréglé, ne peut se pénétrer paisiblement du souvenir de Dieu, pas plus que l’eau vaseuse ne saurait reproduire avec netteté le visage de celui qui s’y regarde.

La passion aveugle et obscurcit encore l’âme, puisque, en tant que passion, elle est aveugle et ne reconnaît pas la raison, qui est le guide toujours assuré de l’âme dans ses opérations. Aussi, toutes les fois que celle-ci cède aux tendances de la nature, elle ressemble à celui qui, jouissant de la vue, se laisse conduire par celui qui en est privé. Ce sont alors deux aveugles; et la parole de Notre-Seigneur en saint Matthieu trouve ici une exacte application : Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tombent tous deux dans la fosse.

Dites-moi, je vous prie, à quoi servent au papillon ses yeux, lorsqu’ébloui par l’éclat de la lumière, il se précipite vers la flamme ? Le poisson fasciné, lui aussi, par la torche qu’on lui présente, et d’où résultent pour lui des ténèbres qui cachent les filets tendus par le pêcheur, est également une image fidèle de l’homme livré à ses passions. C’est ce qu’explique fort bien le Prophète dans un de ses psaumes, quand il dit : Le feu est tombé d’en haut sur eux, et ils n’ont plus vu le soleil. La passion est vraiment un feu dont la chaleur échauffe et dont la lumière fascine ; c’est l’effet qu’elle produit dans l’âme, elle allume la concupiscence et éblouit l’entendement, de manière à lui cacher la lumière qui lui est propre.

L’éblouissement est le résultat d’une lumière étrangère placée devant les yeux. La puissance visuelle reçoit alors la lumière interposée et ne voit plus celle qui lui est dérobée. Ainsi la passion serre l’âme de si près et s’impose à ses regards si impérieusement, que l’âme infortunée s’arrête à cette première lumière, s’en nourrit, et par là se prive de la véritable lumière de l’entendement dont elle ne pourra plus jouir, jusqu’à ce que l’éblouissement de la passion ait disparu.

L’ignorance de certaines personnes sur ce point est un sujet de larmes amères. On les voit se charger de pénitences excessives, et d’une foule de pratiques extraordinaires, que j’appelle arbitraires. Elles mettent là toute leur confiance, et s’imaginent que cela seul leur suffira pour parvenir à l’union de la Sagesse divine, sans la mortification de leurs appétits désordonnés. Leur erreur est manifeste ; jamais elles n’atteindront leur but de la sorte, et sans faire des efforts constants pour triompher de leurs inclinations. Ah ! si elles voulaient employer à se renoncer la moitié seulement du soin qu’elles apportent à ce travail, en un mois elles profiteraient bien plus qu’après de nombreuses années passées dans la pratique de tous les autres exercices !

De même qu’il est indispensable de labourer la terre, si on veut la faire fructifier et l’empêcher de produire de mauvaises herbes, ainsi la mortification des appétits est nécessaire à l’âme, si elle veut progresser dans la vertu. De tout ce qu’elle entreprendrait hors de là pour avancer dans la connaissance de Dieu et de soi-même, rien, j’ose le dire, ne lui profiterait; pas plus que ne germerait la semence jetée sur une terre sans culture. Par conséquent, les ténèbres et l’impuissance seront son partage jusqu’à l’anéantissement de ses désirs déréglés. Ainsi l’œil atteint de la cataracte, ou que gêne un grain de poussière, ne pourra voir jusqu’à ce qu’on lui ait retiré cet obstacle.

David, considérant d’une part quel est l’aveuglement de ces personnes, quel empêchement leurs passions immortifiées apportent à la lumière de la vérité, et de l’autre combien Dieu est irrité contre elles, leur adresse ces paroles : Avant que vos épines, qui sont vos appétits, ne soient devenues un buisson épais, qui vous dérobe la vue de Dieu, le Seigneur agissant avec vous comme il fait avec les vivants, auxquels il coupe bien souvent le fil de l’existence au milieu de son cours, le Seigneur vous engloutira dans sa colère. Dieu détruira ainsi dans sa colère les passions que les âmes conservent vivantes en elles et qui sont un obstacle à sa propre connaissance. Il les détruira, soit en cette vie par les souffrances et les tribulations qu’il envoie aux hommes pour les détacher de leurs attraits sensibles, soit encore au moyen des exercices de la mortification, soit enfin dans l’autre monde par les peines expiatrices du purgatoire.

Grâce à ces secours, l’obstacle qui s’interposait entre Dieu et nous disparaît, c’est-à-dire, que la fausse lumière de la concupiscence qui nous éblouissait et nous empêchait de le connaître est éteinte. En même temps, la vue de l’intelligence s’éclaircit, et nous pouvons constater alors les ruines et les dégâts que les appétits ont laissés derrière eux. Au contraire, tant que l’on conserve en soi une affection ou une passion quelconque, on doit craindre de tomber peu à peu dans l’aveuglement, ou dans un état plus déplorable encore ; car on ne peut se prévaloir ni de l’excellence de son entendement, ni des autres dons qu’on a reçus d’en haut.

Oh ! si les hommes savaient de quelle divine lumière les privent ces ténèbres causées par leurs mauvais penchants et leurs affections déréglées ! A combien de périls et de maux s’exposent-ils chaque jour en ne les mortifiant point !

Aurait-on jamais pu croire qu’un personnage aussi accompli, aussi sage et aussi comblé des faveurs du Ciel que l’était Salomon, dût dans sa vieillesse tomber dans un tel égarement, et une perversité de volonté si grande, qu’il élèverait des autels à un nombre prodigieux d’idoles et les adorerait ! Que lui a-t-il fallu pour faire une chute si grave ? Il lui a suffi d’une affection mal réglée, et de sa négligence à réprimer ses inclinations vicieuses.

En parlant de lui-même, Salomon avoue, dans l’Ecclésiaste, n’avoir rien refusé à son cœur de ce qu’il désirait. Et si, à la vérité, dans le principe, il se conduisit avec prudence, plus tard, pour n’avoir pas renoncé à ses passions, mais s’y être livré sans retenue, il arriva peu à peu à être aveuglé et obscurci dans son entendement ; au point qu’on vit s’éteindre en lui cette grande lumière de sagesse dont Dieu l’avait favorisé ; et ainsi, il abandonna le Seigneur dans sa vieillesse.

Si les passions immortifiées eurent un tel empire sur ce grand monarque, si versé dans la science du bien et du mal, que ne pourront-elles pas sur nous, pauvres ignorants que nous sommes, si nous négligeons de les réprimer ? Ne pouvons-nous pas, dans ce sens, être comparés aux Ninivites, dont le Seigneur disait au prophète Jonas : Ils ne savent pas discerner leur main droite d’avec leur main gauche ? A chaque pas ne prenons-nous pas le mal pour le bien, et réciproquement ? ce qui est le fruit de notre propre fonds rempli d’imperfections.

Que sera-ce donc si la passion ajoute ses ténèbres à notre ignorance naturelle ? Ne serons-nous pas de ceux dont Isaïe se plaint en s’adressant aux hommes qui se plaisent à satisfaire leurs appétits : Nous allons comme des aveugles le long des murailles, nous marchons à tâtons comme si nous n’avions point d’yeux ? et notre aveuglement est arrivé à ce point que nous nous heurtons en plein midi comme si nous étions dans les ténèbres.

Tel est, en effet, l’état de celui qui est aveuglé par ses passions. Placé en face de la vérité et du devoir, il est aussi incapable de discerner l’une ou de se soumettre à l’autre, que s’il était plongé dans l’obscurité la plus profonde.

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