Foi catholique traditionnelle
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Règle de saint Albert

Quelques mots désuets :

“Règle primitive d’Albert, patriarche de Jérusalem de l’an 1171, confirmé, corrigée et modifiée par notre très-saint père le pape Innocent IV l’an 1248, pour les religieux du Mont-Carmel.

Innocent, évêque serviteur des serviteurs de Dieu, à nos bien-aimés fils le prieur et les religieux hermites de Notre-Dame du Mont-Carmel, salut et bénédiction apostolique. Il est juste que toutes les choses qui se rapportent à l’honneur du Créateur du monde et au bien des âmes soient soutenues et fortifiées par une protection constante; et particulièrement doit-il en être ainsi à l’égard de celles que le Saint-Siège a toujours environnées d’un soin et d’une assistance spéciale.

C’est pourquoi adhérant à votre prière et à vos instances, Nous avons fait éclaircir quelques doutes, comme aussi corriger et bénignement modifier quelques points importants de votre règle, par le moyen de notre bien-aimé fils Hugues, cardinal de Sainte-Sabine et de notre vénérable frère Guillaume, évêque d’Antera, ainsi que cela se voit expliqué plus au long dans nos lettres données sur ce sujet.

Maintenant, voulant condescendre à vos pieux désirs, Nous confirmons en vertu de l’autorité apostolique ladite déclaration, correction et modification et Nous la fortifion, à la faveur de cet écrit. Nous voulons de plus que la teneur de ces lettres soit incorporée dans cet écrit textuellement comme il suit :

Frère Hugues, par la miséricorde divine, Cardinal-prêtre du titre de sainte Sabine, et Guillaume, par la même miséricorde, évêque d’Antera :

A nos bien-aimés Fils, le prieur général et les définiteurs du chapitre général de Notre-Dame du Mont-Carmel, salut en Celui qui est le véritable salut de tous !

Deux religieux de votre ordre, nommés Reynaud et Pedro, s’étant présentés devant le Siège Apostolique, et ayant humblement demandé de votre part à Sa Sainteté qu’elle daignât expliquer, corriger et bénignement modifier la règle que vous avec reçu d’Albert, patriarche de Jérusalem, y compris les privilèges qui y sont annexés, le Très-Saint Père accédant à leurs dévotes supplications, nous a chargés de faire, en son nom, ladite explication, correction et modification, selon qu’il nous paraîtrait utile et convenable pour la prospérité de l’ordre et le salut des membres qui la composent.

Ainsi donc, par l’autorité du Saint-Siège, nous ordonnons que vous receviez dévotement et gardiez à perpétuité ladite règle, et que, selon sa forme et sa teneur, vous corrigiez les autres : laquelle règle nous avons scellée par la main des mêmes religieux et dont le texte suit :

Albert, par la grâce de Dieu, patriarche de l’Eglise de Jérusalem : à nos bien-aimés fils en Jésus-Christ Brocard et autres hermites, qui sous son obéissance habitent au Mont-Carmel, près la fontaine d’Elie; salut en Notre-Seigneur, et la bénédiction du Saint-Esprit.

Les saints Pères ont institué diversement et en plusieurs manières de quelle sorte chacun, en quelque ordre qu’il soit et quelque manière de vie religieuse qu’il ait choisie, doit vivre au service de Jésus-Christ et le servir fidèlement d’un coeur pur et d’une bonne conscience.

Mais d’autant que vous demandez que nous vous donnions, selon votre propos et dessein, une forme de vie laquelle bous deviez garder dorénavant, nous vous la donnons par les paroles suivantes.

D’avoir un prieur, et des troix voeux :

Nous instituons premièrement et ordonnons, que vous ayez l’un d’entre vous pour Prieur, lequel sera élu pour cette charge, du commun consentement de tous ou de la plus grande et plus saine partie, auquel chacun de vous autres promettra obédience, et après l’avoir promise, aura soin de la garder en vérité par ses oeuvres, avec la chasteté et pauvreté.

De recevoir lieux ou maisons :

Vous pourrez avoir lieux et maisons en lieux solitaires ou autres endroits où elles vous seront baillées commodes et disposées pour l’observation de votre religion selon qu’il semblera convenable au prieur et aux frères.

Des cellules des religieux :

Outre cela, au lieu que vous aurez choisi ou fait état de demeurer, chacun de vous aura sa cellule séparée, selon qu’elle lui sera baillée par la disposition du prieur et consentement des autres frères, ou plus saine partie d’iceux.

Qu’il faut manger au réfectoire commun :

Ce qui vous aura été donné en aumône, vous le mangerez au réfectoire commun, et cependant on fera lecture de quelque livre de la sainte Ecriture où cela se pourra faire commodément; et ne pourra aucun des frères changer de place, ni en prendre une autre, si ce n’est avec la licence du prieur.

La cellule du prieur sera à l’entrée du couvent, afin qu’il soit le premier à aller recevoir ceux qui viendront.

Et tout ce qu’il y aura à faire en la maison se fasse par son avis et par son ordonnance.

Que chacun demeure en sa cellule, ou proche d’icelle, méditant de jour et de nuit en la loi de Dieu, et veillant en oraison, si ce n’est qu’il soit occupé en autres justes occupations.

Des heures canoniales :

Ceux qui savent dire les heures canoniales avec les prêtres les doivent dire selon les règles et statuts des saints Pères et la coutume approuvée de l’Eglise. Et ceux qui ne les savent, diront au lieu des matines vingt-cinq fois le Pater noster, excepté les dimanches et fêtes solennelles, auxquels jours nous ordonnons qu’ils disent pour matines deux fois ledit nombre de vingt-cinq Pater noster; pour laudes sept fois; et pour toutes les autres heures, chacune sept fois, excepté à vêpres où ils diront quinze.

Qu’il ne faut avoir rien de propre :

Qu’aucun religieux ne dise qu’il ait aucune chose propre; mais il faut que toutes choses leur soient communes et que ce qu’ils auront besoin leur soit départi à chacun par le moyen du prieur ou du religieux qui sera pour ce par lui député, eu égard à l’âge et nécessité d’un chacun.

Ce qu’ils peuvent avoir en commun :

Vous pourrez avoir des ânes ou mules, selon que votre nécessité le requerra et quelque bétail ou volailles pour votre nourriture.

De l’oraison et service divin :

Que l’on fasse un oratoire au milieu des cellules le mieux et le plus commodément que faire se pourra, où vous vous assemblerez tous les jours pour ouïr la Messe, où il se pourra faire commodément.

Du chapitre et correction des coulpes des frères :

Tous les jours de dimanche, ou autres, quand il sera nécessaire, vous traiterez de l’observation de l’ordre, du salut des âmes : et là aussi sera faite la correction avec charité des coulpes et fautes des frères, s’il y en a aucunes.

Des jeûnes des frères :

Depuis la fête de l’Exaltation de la sainte Croix jusques au jour de Pâques, vous jeûnerez tous les jours excepté les dimanches, si ce n’est que la maladie ou faiblesse du corps ou autre cause juste ne donne sujet de laisser le jeûne, parce que la nécessité n’a point de loi.

De l’abstinence de chair :

Vous ne mangerez point de chair, si ce n’est pour remédier à quelque maladie ou faiblesse. Et d’autant qu’il vous faudra beaucoup de fois mendier par les chemins, vous pourrez hors de vos maisons, pour n’être en charge à vos hôtes, manger du potage et légumes ou autres choses cuites avec de la chair, et sur la mer vous pourrez manger de la chair.

Exhortations :

Et d’autant que la vie de l’homme sur la terre n’est que tentation et que ceux qui désirent vivre religieusement en Jésus-Christ ont à souffrir des persécutions et que le diable votre adversaire tournoie comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer, essayez de tout votre soin de vous revêtir des armes de Dieu, afin que vous puissiez résister aux embûches de l’ennemi.

Vous ceindrez vos reins d’une ceinture de chasteté. Fortifiez votre intérieur par bonnes pensées, car il est écrit : La pensée sainte vous gardera.

Endossez la cuirasse de justice, afin que de tout votre coeur, de toute votre âme et de toutes vos forces vous aimiez Dieu votre Seigneur et votre prochain comme vous-mêmes.

Armez-vous partout du bouclier de la foi, auquel vous puissiez amortir toutes les flèches de feu que l’ennemi vous tire : car sans la foi il est impossible de plaire à Dieu.

Ayez en la tête le heaume de salut et de grâce, afin que vous n’attendiez votre salut que de Jésus votre Sauveur, qui sauve son peuple de ses péchés.

Que le glaive de l’Esprit, qui est la parole de Dieu, demeure et persévère toujours abondamment en votre bouche et en vos coeurs, afin que tout ce que vous ferez soit en son nom.

Du travail des mains :

Vous ferez quelque travail ou ouvrage de vos mains, afin que le diable vous trouve toujours occupés et qu’il n’ait point d’entrée en vos âmes, se servant de votre oisiveté, comme d’une porte. Vous avez pour cela un bon exemple et enseignement de doctrine en l’apôtre saint Paul, par la bouche duquel parlait Notre-Seigneur Jésus-Christ et ayant été établi pour prêcher et enseigner les Gentils en la foi et vérité, vous ne pourrez faillir en le suivant.

Il dit donc ainsi : Nous avons été parmi vous autres en travaux et lassitudes, travaillant de jour et de nuit pour ne vous ennuyer : non pas que nous n’ayons la puissance et permission de demander, mais pour vous donner la forme et exemple, afin que vous nous imitassiez; car étant parmi vous autres, nous vous annoncions et prêchions tous les jours que celui qui ne voudrait travailler ne mangeât point.

Nous avons appris qu’il y a quelques-uns entre vous qui sont inquiets et sans rien faire : nous admonestons et prions en Notre-Seigneur Jésus-Christ ces gens-là qu’ils mangent leur pain travaillant en silence. Ce chemin est bon et saint, allez par icelui.

Du silence :

L’Apôtre nous recommande le silence, quand il nous recommande que travaillons en icelui, et comme dit le Prophète, l’ornement et les parures de la justice, c’est le silence. Et en un autre lieu : Votre force sera en silence et en espérance. Pour cela nous statuons et ordonnons que l’on garde le silence dès que Complies sont dites jusqu’après Prime du jour suivant et au reste du temps, combien qu’on ne garde point le silence avec si grande rigueur, il faut éviter fort diligemment le trop parler; car comme il est écrit, et nous l’apprenons bien aussi par l’expérience, le péché ne manque point au beaucoup parler; et en un autre endroit : Qui parle sans considération en recevra beaucoup de maux; et en un autre : Celui qui use de plusieurs paroles endommage son âme.

Et en l’Evangile Notre Seigneur dit : Les hommes rendront compte le jour du jugement de chaque parole oiseuse qu’ils auront dite.

Que chacun donc se fasse un poids et es balances pour ses paroles, et un frein pour sa bouche, afin que sa langue ne le fasse chanceler et tomber et que sa chute ne soit incurable à la mort; et prenez garde, avec le Prophète, au chemin que vous tenez, afin que ne péchiez par votre langue : et gardez le silence avec grand soin et diligence, auquel consiste l’observation de la justice.

Exhortation au Prieur à l’humilité :

Et vous, frère Brocard, et qui que ce soit qui après vous sera élu pour Prieur, ayez toujours en la mémoire ce que Notre-Seigneur dit en l’Evangile : Celui d’entre vous qui voudra être le plus grand sera celui qui vous servira : et celui qui voudra être le premier sera serviteur des autres.

Exhortation aux religieux de porter honneur à leur Prieur :

Vous aussi les religieux, honorez votre Prieur avec entière humilité, le reconnaissant pour Jésus-Christ davantage que pour ce qu’il est en soi, puisque c’est Jésus-Christ qui l’a établi sur vous et dit aux prélats de l’Eglise : Qui vous oyt, il m’oyt : et celui qui vous méprise me méprise; afin que par ce moyen Dieu ne vous juge point par ce mépris, mais que par l’obédience que vous rendrez, vous méritiez la récompense de la béatitude.

Nous avons brièvement écrit ces choses, ordonnant la forme et la règle de votre manière de vivre : et si quelqu’un fait davantage, Dieu l’en récompensera lorsqu’il viendra au jugement du monde. Usez toutefois de discrétion, qui est la règle des vertus.

Fait en la ville de Léon, l’an du Seigneur mil deux cent quarante-huit, la cinquième année du pontificat d’Innocent IV, le premier septembre.

Qu’il ne soit permis à personne au monde d’enfreindre ces lettres confirmées par nous, ni d’y mettre opposition par une hardiesse insensée. Quiconque oserait le faire sache qu’il encourt ipso facto la malédiction du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux Apôtres saint Pierre et saint Paul.

Donné en la ville de Léon, le premier septembre, l’an cinq de notre pontificat.” 1


  1. Oudin 1865, p. 46-69. ↩︎

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