La Très-Sainte Vierge apparaît à Simon de Stock et lui remet le Scapulaire
Source: Alfred Monbrun, Vie de saint Simon de Stock, chap. XII, 1869.
La paix dont jouissait le Carmel ne fut pas d’abord universelle, protégé qu’il était par le Saint-Siége, et malgré le zèle de Simon de Stock. Depuis deux ans, l’Ordre des Carmes avait été solennellement reconnu Ordre-Mendiant, mais cette reconnaissance n’avait nullement arrêté la fougue de ses ennemis. Aux Religieux des autres Ordres s’étaient joints les Prêtres séculiers, et à tout prix on réclamait la suppression de ces Orientaux, aux usages inconnus jusqu’alors, aux prétentions trop belles pour qu’on ne leur en fît pas un crime.
Notre saint Général, affligé de ces contradictions réitérées, s’empresse d’y remédier, comprenant par son expérience que la protection des hommes était un appui trop faible pour soutenir le grand ouvrage dont le Ciel l’avait fait le coopérateur et le ministre il pense à chercher dans le Ciel même une protection, un appui assez puissant pour rendre le Carmel inébranlable et au-dessus des attaques de ses ennemis. Tandis que l’orage gronde de toutes parts contre l’Ordre, saint Simon, plein de confiance en Marie, ne cesse de la conjurer de prendre sa cause en main, et de soutenir les intérêts de la famille qu’elle a adoptée et favorisée en tant d’occasions. Il la conjure par des prières ferventes et réitérées, accompagnées de larmes et de gémissements, de prendre sur elle-même la défense de son Ordre, de protéger d’une manière éclatante le troupeau qu’elle lui a confié, de lui accorder un privilége particulier, qui, tout en décorant le Carmel, lui serve à jamais de bouclier contre les traits de ses ennemis.
Malgré son abandon filial aux décrets de la Providence, Simon ne cessait de répandre sa douleur aux pieds de Marie. A cet effet , il composa l’antienne Flos Carmeli, qu’il récitait tous les jours, et dont voici la traduction :
Fleur du Carmel, Vigne odoriférante,
Splendeur des Cieux, Vierge Mère étonnante,
Douce Étoile des mers;
O Lys sans tache et plus pur que la neige,
Donne au Carmel un nouveau privilège;
Calme les flots amers.
Après quelques années de supplications et de prières, de soupirs et de larmes, il a la consolation d’être exaucé d’une manière surprenante; sa prière, comme celle du Prophète Elie, ouvre les Cieux et en fait descendre la Reine des Anges. Marie signale, dans une célèbre vision, sa bonté et sa puissance en faveur de Simon de Stock; elle vient à son secours par le bienfait singulier d’un Scapulaire miraculeux qu’elle lui donne comme un signe de sa protection; signe précieux qui, depuis plusieurs siècles a été, jusqu’à nous source des plus grandes merveilles et de toutes sortes de bénédictions, soit en faveur du Carmel, soit en faveur de ceux qui sont revêtus du Saint Scapulaire. Ce fait miraculeux de la vision de saint Simon de Stock, si intéressant pour le Carmel, publié par Simon lui-même dans une lettre (c’est plutôt une Encyclique) adressée à tous ses frères, datée du jour même de l’événement, est reconnu pour authentique par une foule d’auteurs, malgré les efforts souvent renouvelés d’une critique maligne. Mais laissons parler le P. Pierre Swayngton, compagnon, secrétaire et confesseur du saint :
« Le bienheureux Simon, dit-il, cassé de vieillesse, affaibli par l’austérité de sa vie pénitente, passait très-souvent les nuits en prières, gémissant dans son coeur des maux dont ses frères étaient affligés. Il arriva qu’étant un jour en prières, il fut comblé d’une consolation céleste, dont il nous fit part, en communauté, comme il suit :
“Mes très-chers frères,
Béni soit Dieu, qui n’a pas abandonné ceux qui mettent en lui leur confiance et qui n’a pas méprisé les prières de ses serviteurs. Bénie soit la Très-Sainte Mère de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, se ressouvenant des anciens jours et des tribulations dont le poids a paru trop lourd et trop accablant à quelques-un d’entre vous (ne faisant pas assez d’attention que ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, doivent s’attendre à souffrir la persécution), vous adresse aujourd’hui, par mon ministère, des paroles de consolation, que vous devez recevoir dans la joie du Saint-Esprit. Je prie cet Esprit de vérité et qu’il dirige ma langue, afin que je parle convenablement, et que je manifeste avec la plus exacte fidélité l’oeuvre de Dieu, et la faveur que nous avons reçue du Ciel.
Lorsque j’épanchais mon âme en la présence du Seigneur, moi qui ne suis que cendre et poussière, et que je priais avec toute confiance la Vierge sainte, ma Souveraine, que puisqu’elle avait daigné nous honorer du titre spécial de Frères de la bienheureuse Vierge Marie elle voulût aussi se montrer notre mère, notre protectrice, en nous délivrant de nos calamités, et en nous procurant de la considération et de l’estime, par quelque marque sensible de sa bienveillance, auprès de ceux qui nous persécutaient, lorsque je lui disais avec de tendres soupirs :
Fleur du Carmel, Vigne fleurie, splendeur du Ciel, ô Mère Vierge incomparable ! Ô Mère aimable et toujours Vierge, donnez aux Carmes des priviléges de protection, Astre des mers !
La Bienheureuse Vierge m’apparut en grand cortège, et tenant en main l’habit de l’Ordre, elle me dit :
Reçois, mon cher fils, ce Scapulaire de ton Ordre, comme le signe distinctif et la marque du privilége que j’ai obtenu pour toi et les enfants du Carmel; c’est un signe de salut, une sauvegarde dans les périls et le gage d’une paix et d’une protection spéciale jusqu’à la fin des siècles. » ECCE SIGNUM SALUTIS, SALUS IN PERICULIS. Celui qui mourra revêtu de cet habit sera préservé des feux éternels.
Et comme la glorieuse présence de la Vierge sainte me réjouissait au delà de tout ce qu’on peut se figurer, et que je ne pouvais, misérable que je suis, soutenir la vue de sa majesté, elle me dit en disparaissant, que je n’avais qu’à envoyer une députation au Pape Innocent, le Vicaire de son fils, et qu’il ne manquerait pas d’apporter des remèdes à nos maux. »
Notre saint termine enfin sa lettre par une exhortation des plus pathétiques [émouvantes] :
« Mes frères… en conservant cette parole dans vos cours, efforcez-vous d’assurer votre élection par de bonnes cuvres, et efforcez-vous de ne jamais pécher. Veillez et rendez des actions de grâces pour un si grand bienfait; priez sans interruption, afin que la parole qui m’a été communiquée se vérifie à la gloire de la Très-Sainte Trinité : du Père, de Jésus-Christ, du Saint Esprit et de la Vierge Marie toujours bénie. »