Chap. 3 - De la foi
Puisque l’homme dépend tout entier de Dieu comme son créateur et maître, et puisque la raison créée est entièrement sujette de la vérité incréée, nous sommes tenus de donner, par la foi, à Dieu qui révèle, le plein assentiment de notre intelligence et de notre volonté. Et cette foi, qui est pour les hommes le commencement du salut, l’Eglise catholique professe qu’elle est une vertu surnaturelle par laquelle, au souflle de Dieu et aidés par sa grâce, nous croyons vrai ce qu’il nous révèle, non à cause que la lumière naturelle de notre raison nous découvre la vérité intrinsêque des choses, mais à cause de l’autorité de Dieu même, l’auteur de la révélation et qui ne peut ni se tromper, ni nous tromper; car, au témoignage de l’Apôtre, la foi est la substance (ou le fondement) des choses que nous devons espérer, et l’argument (ou la conviction) de celles que nous ne voyons pas.
Néanmoins, pour que la soumission de notre foi fût en parfaite conformité avec la raison, Dieu a voulu joindre aux secours intérieurs du Saint-Esprit les arguments extérieurs (ou les preuves extérieures) de sa révélation, à savoir les faits divins, et principalement les miracles et les prophéties qui, en montrant avec évidence la toute-puissance et la science infinie de Dieu, sont les signes de la divine révélation; signes très-assurés et appropriés à toutes les intelligences. C’est pourquoi Moïse et les prophètes, et principalement Notre-Seigneur Jésus-Christ, ont fait en grand nombre les miracles les plus manifestes et des prophéties; et, nous lisons des Apôtres : « Eux, étant partis, préchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux et confirmant leur parole par les miracles dont elle était accompagnée ». Et il est encore écrit : « Nous avons des oracles des prophètes, dont la certitude est encore mieux établie, sur lesquels vous faites bien d’arréter les yeux comme sur un tombeau qui luit dans un lieu obscur ».
Mais, quoique l’assentiment de la foi ne soit point un mouvement aveugle de l’âme, nul cependant ne peut adhérer, comme il est nécessaire pour le salut, à la prédication de l’Evangile, s’il n’est éclairé et mû par le Saint-Esprit, qui nous fait trouver la douceur à consentir et à croire à la vérité.
Aussi la foi, considérée en elle-même et quand même elle n’opère point par la charité, est un don de Dieu, et son acte est une oeuvre qui appartient au saint, acte par lequel l’homme rend à Dieu méme une obéissance libre, en consentant et en coopérant à sa grâce, à laquelle il pourrait résister.
Or, par la loi divine et catholique, nous devons croire tout ce qui est contenu dans la parole écrite et traditionnelle de Dieu, et que l’Eglise, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ou enseignement ordinaire et universel, propose à notre foi comme étant divinement révélé.
Mais parce que, sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu et de parvenir à être compté dans le nombre de ses enfants, personne sans la foi ne peutjamais être justifié, et personne, à moins qu’il ne persévère jusqu’à la fin dans la foi, n’obtiendra la vie éternelle; et afin de pouvoir satisfaire à l’obligation d’embrasser la foi véritable, comme aussi d’y persévérer constamment, Dieu, par son Fils unique, a institué l‘Eglise, et il l’a marquée au front des marques visibles de son institution, afin que tous puissent reconnaître en elle la gardienne et la maîtresse de la parole révélée. Et, en effet, ce n’est qu’à la seule Eglise catholique qu’appartiennent tous ces caractères si nombreux et si admirables que la divine Providence a disposés pour rendre évidente la crédibilité de la foi chrétienne. Il y a plus : l’Eglise, grâce à sa prodigieuse propagation, à sa sainteté incomparable, à sa fécondité inépuisable pour toutes sortes de biens, grâce à son unité catholique et à son invincible stabilité, l‘Eglise est par elle—même un grand et perpétuel motif de crédibilité et un irréfragable témoignage de sa divine mission.
De là vient qu’elle est elle-même comme le signe élevé parmi les nations, et qu’elle invite à venir à elle ceux qui n’ont pas encore cru, et qu’elle rend ses enfants certains que la foi qu’ils professent repose sur le fondement le plus assuré. A ce témoignage se joint encore le secours efficace de la puissance d’en haut. Le Dieu très-bon, en effet, excite et aide, par sa grâce, ceux qui sont dans l’erreur, pour qu’ils puissent venir à la connaissance de la vérité; et quant à ceux qu’il a transportés de leurs ténèbres dans son admirable lumière, il les confirme par sa grâce dans cette même lumière, afin qu’ils persévèrent : n‘abandonnant jamais que ceux qui l’abandonnent. Il n’y a donc aucune parité entre la condition de ceux qui, par le don divin de la foi, adhèrent à la vérité catholique, et la condition de ceux qui, conduits par des opinions humaines, suivent une fausse religion. Ceux, en effet, qui, sous le magistère de l’Eglise, ont reçu la foi, ne peuvent jamais avoir une juste raison de changer ou de révoquer en doute cette même foi. Les choses étant ainsi, rendons grâce à Dieu le Père, qui nous a faits dignes de partager, dans sa lumière, le sort des saints; ne négligeons pas un salut d’une telle importance; mais, tenant les yeux attachés sur Jésus, l’auteur et le consommateur de notre foi, soyons inébranlables dans la confession de notre espérance.