Société
Pape Léon XIII, Libertas Praestantissimum : “D’autres vont un peu moins loin, mais sans être plus conséquents avec eux-mêmes; selon eux, les lois divines doivent régler la vie et la conduite des particuliers, mais non celle des Etats; il est permis dans les choses publiques de s’écarter des ordres de Dieu et de légiférer sans en tenir aucun compte; d’où naît cette conséquence pernicieuse de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais l’absurdité de ces opinions se comprend sans peine. Il faut, la nature même le crie, il faut que la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer leur vie selon l’honnêteté, c’est-à-dire selon les lois de Dieu, puisque Dieu est le principe de toute honnêteté et de toute justice; il répugnerait donc absolument que l’Etat pût se désintéresser de ces mêmes lois ou même aller contre elles en quoi que ce soit.
De plus, ceux qui gouvernent les peuples doivent certainement à la chose publique de lui procurer, par la sagesse de leurs lois, non seulement les avantages et les biens du dehors, mais aussi et surtout les biens de l’âme. Or, pour accroître ces biens, on ne saurait rien imaginer de plus efficace que ces lois dont Dieu est l’auteur : et c’est pour cela que ceux qui veulent, dans le gouvernement des Etats, ne tenir aucun compte des lois divines, détournent vraiment la puissance politique de son institution et de l’ordre prescrit par la nature.
Mais une remarque plus importante et que Nous avons Nous même rappelée plus d’une fois ailleurs, c’est que le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelquefois l’un et l’autre. Tous deux, en effet, exercent plus d’une fois leur autorité sur les mêmes objets, quoique à des points de vue différents. Le conflit, dans cette occurrence, serait absurde et répugnerait ouvertement à l’infinie sagesse des conseils divins : il faut donc nécessairement qu’il y ait un moyen, un procédé pour faire disparaître les causes de contestations et de luttes et établir l’accord dans la pratique. Et cet accord, ce n’est pas sans raison qu’on l’a comparé à l’union qui existe entre l’âme et le corps, et cela au plus grand avantage des deux conjoints, car la séparation est particulièrement funeste au corps, puisqu’elle le prive de la vie.
Mais, pour mieux mettre en lumière ces vérités, il est bon que nous considérions séparément les diverses sortes de libertés que l’on donne comme des conquêtes de notre époque. — Et d’abord, à propos des individus, exami nons cette liberté si contraire à la vertu de religion, la liberté des cultes, comme on l’appelle, liberté qui repose sur ce principe qu’il est loisible à chacun de professer telle religion qui lui plaît, ou même de n’en professer aucune. — Mais, tout au contraire, c’est bien là, sans nul doute, parmi tous les devoirs de l’homme, le plus grand et le plus saint, celui qui ordonne à l’homme de rendre à Dieu un culte de piété et de religion. Et ce devoir n’est qu’une conséquence de ce fait que nous sommes perpétuellement sous la dépendance de Dieu, gouvernés par la volonté et la Providence de Dieu, et que, sortis de lui, nous devons retourner à lui.” 1
Roger 1858, t. 2, pp. 191-193. ↩︎